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Responsabilité de l’Etat pour des dommages causés aux particuliers du fait d’une violation du …

La Cour de cassation apporte des précisions sur la responsabilité de l’Etat pour des dommages causés aux particuliers du fait d’une violation du droit de l’UE.

Une coopérative agricole a procédé, en 1987 et 1988, à l’importation de pois protéagineux. Ces pois ont été déclarés, lors de leur entrée en France, comme provenant des Pays-Bas et de Grande-Bretagne et n’étant pas destinés à l’ensemencement, ce qui ouvrait droit à des aides communautaires, que la coopérative a effectivement perçues.Estimant que ces pois provenaient pour partie de Hongrie et avaient été en réalité utilisés pour l’ensemencement, la direction générale des douanes a poursuivi le dirigeant pour déclaration d’origine inexacte et fausse déclaration à l’importation.En septembre 2007, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé par le dirigeant contre la décision l’ayant condamné de ces chefs, aux motifs que « les demandeurs ne sauraient se faire un grief de ce que l’arrêt n’a pas écarté, comme contraire au principe de l’application rétroactive de la peine plus légère, l’article 110 de la loi du 17 juillet 1992, selon lequel les dispositions de cette loi ne font pas obstacle à la poursuite des infractions douanières commises avant son entrée en vigueur sur le fondement des dispositions législatives antérieures, dès lors qu’en l’espèce, la modification apportée par la loi du 17 juillet 1992 n’a eu d’incidence que sur les modalités de contrôle du respect des conditions de l’octroi de l’aide aux pois protéagineux et de leur origine et non sur l’existence de l’infraction ou la gravité des sanctions » .Saisi par le dirigeant, le Comité des droits de l’homme des Nations unies a, en octobre 2010, constaté que l’article 110 de la loi n° 92-677 du 17 juillet 1992 violait le principe de rétroactivité de la peine plus légère, énoncé par l’article 15 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.Le dirigeant a alors assigné l’Agent judiciaire de l’Etat en réparation de la faute lourde résultant du fonctionnement défectueux du service de la justice.
Le 6 mai 2015, la cour d’appel de Paris a retenu une violation manifeste du droit communautaire et de l’article 15 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, constitutive d’une faute lourde au sens de l’article L. 141-1 du code de l’organisation judiciaire. Elle a énoncé que la Cour de cassation connaissait la décision de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) du mois de mai 2005 relative au principe de la rétroactivité de la peine plus légère, ainsi que l’article 15 du Pacte international, et n’ignorait pas que ses arrêts antérieurs n’étaient pas dans la ligne de cette jurisprudence et étaient critiqués par une partie de la doctrine. Elle a ajouté que la Cour de cassation a considéré que la loi du 17 juillet 1992 n’avait ni supprimé l’infraction ni eu d’effet sur les peines, de telle sorte que le principe de rétroactivité in mitius n’avait pas à s’appliquer et qu’elle a ainsi délibérément fait le choix, sachant que l’incrimination en cause avait été supprimée par l’article 111 de la loi du 17 juillet 1992, de ne pas appliquer le principe communautaire et le Pacte international. La cour d’appel a conclu que, si l’élément matériel de l’infraction pouvait avoir subsisté, l’élément légal avait été supprimé par l’article 111 de cette loi.
Le 18 novembre 2016, la Cour de cassation a cassé l’arrêt de la cour d’appel, au visa de l’article L. 141-1 du code de l’organisation judiciaire, ensemble le principe de la responsabilité des Etats membres du fait de la violation du droit de l’Union européenne (UE).Elle a précisé qu’il résulte de la combinaison de ce texte et de ce principe que la responsabilité de l’Etat pour des dommages causés aux particuliers du fait d’une violation du droit de l’UE, par une décision d’une juridiction nationale de l’ordre judiciaire statuant en dernier ressort, n’est susceptible d’être engagée que si, par cette décision, ladite juridiction a méconnu de manière manifeste le droit applicable, ou si cette violation intervient malgré l’existence d’une jurisprudence bien établie de la CJUE.En l’espèce, la Cour de cassation a estimé qu’en statuant ainsi, la cour d’appel a violé le texte et le principe susvisés. Elle a indiqué qu’il ne résulte d’aucun texte ou principe général du droit de l’UE, ni d’une jurisprudence bien établie de la CJUE que le principe de l’application rétroactive de la peine plus légère fait obstacle à ce que soient poursuivies et sanctionnées les fausses déclarations en douane ayant pour but ou pour effet d’obtenir un avantage quelconque attaché à des importations intracommunautaires commises antérieurement à la mise en place du marché unique, de sorte que l’application par la Cour de cassation de l’article 110 de la loi du 17 juillet 1992 ne contrevenait pas au droit de l’UE.

– Cour de cassation, Assemblée plénière, 18 novembre 2016 (pourvoi n° 15-21.438 – ECLI:FR:CCASS:2016:AP00630), Agent judiciaire de l’Etat c/ M. X. – cassation sans renvoi de cour d’appel de Paris, 6 mai 2015 – https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000033429259&fastReqId=1309189487&fastPos=1
– Code de l’organisation judiciaire, article L. 141-1 – https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?idArticle=LEGIARTI000006572083&cidTexte=LEGITEXT000006071164&dateTexte=20161118&fastPos=5&fastReqId=1852436126&oldAction=rechCodeArticle
– Loi n° 92-677 du 17 juillet 1992 portant mise en oeuvre par la République française de la directive du Conseil des communautés européennes (C.E.E.) n° 91-680 complétant le système commun de la taxe sur la valeur ajoutée et modifiant, en vue de la suppression des contrôles aux frontières, la directive (C. E. E.) n° 77-388 et de la directive (C. E. E.) n° 92-12 relative au régime général, à la détention, à la circulation et au contrôle des produits soumis à accise – https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000541388
– Pacte international relatif aux droits civils et politiques (Onu, 16 décembre 1966) – https://www.assemblee-nationale.fr/histoire/peinedemort/pacte-international-droits-civils-et-politiques.asp