Droit de repentir du bailleur commercial : les honoraires de l’avocat du locataire sont compris …

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Droit de repentir du bailleur commercial : les honoraires de l’avocat du locataire sont compris …

La prise en charge par le bailleur, telle que prévue par l’article L. 145-58 du code de commerce, n’est pas limitée aux seuls frais taxables et doit comprendre l’intégralité des frais de l’instance exposés avant l’exercice de son droit de repentir, y compris les honoraires de l’avocat.

En 2008, une société civile immobilière (SCI) a fait délivrer à sa locataire un congé avec refus de renouvellement du bail, pour un local commercial destiné à l’exercice de la profession de boulangerie pâtisserie confiserie, en lui proposant une indemnité d’éviction de 30.000 euros.En 2011, saisi d’une contestation sur le montant de l’indemnité, un tribunal de grande instance a condamné la SCI à payer à la locataire, les sommes de 87.276 euros à titre d’indemnité principale d’éviction, 27.388,40 euros au titre de l’indemnité accessoire de frais de déménagement, 3.000 euros au titre du trouble commercial, 450 euros au titre du double loyer et de 1.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. Le bailleur a alors fait valoir son droit de repentir et consenti au renouvellement du bail pour se soustraire au paiement de l’indemnité.Se fondant sur les dispositions de l’article L. 145-58 du code de commerce, la locataire a réclamé la condamnation de la SCI au remboursement des frais d’instance et celle de dommages-intérêts pour résistance abusive. La SCI soutenait quant à elle que les frais de l’instance tels que prévus par l’article L. 145-58 du code de commerce s’entendent au sens strict et ne comprennent pas les honoraires de l’avocat fixés librement d’accord avec le client, de manière totalement discrétionnaire.
Le 19 février 2015, le tribunal de grande instance (TGI) de Tarascon a fait droit à la demande de la locataire et a condamné la SCI à payer à la locataire les sommes de 12.095,62 euros au titre du remboursement des frais d’instance, 500 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et 1.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
L’arrêt rendu par la TGI a été confirmé par la cour d’appel d’Aix-en-Provence le 10 mai 2016.
Elle a dans un premier temps rappelé que la prise en charge par le bailleur, telle que prévue par l’article L. 145-58 du code de commerce, n’est pas limitée aux seuls frais taxables et doit comprendre l’intégralité des frais de l’instance exposés avant l’exercice de son droit de repentir, y compris les honoraires de l’avocat. Elle juge également qu’il est conforme à l’esprit de ce texte que le bailleur exerçant son droit de repentir pour se soustraire au paiement de l’indemnité d’éviction assume totalement la charge financière d’une procédure causée par son refus de renouvellement du bail, devenue sans objet.
Elle a dans un second temps jugé que le remboursement au locataire des frais de l’instance n’est pas limité aux seuls frais taxables, mais comprend tous les frais exposés et non pas seulement les indemnités qui ont pu être allouées sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.La cour d’appel a donc estimé que la locataire est en l’espèce fondée à réclamer le paiement par le bailleur, en sus des frais taxables, selon certificat de vérification des dépens délivré en 2011 et des frais de signification du jugement à avocat de janvier 2012, les honoraires qu’elle a dû verser à son conseil, dans le cadre de l’instance en fixation de l’indemnité d’éviction, lesquels ont été taxés par ordonnance du bâtonnier de l’ordre des avocats en 2012.
Enfin, la cour d’appel a précisé que la SCI reconnaît dans ses écritures devoir la somme de 2.258,76 euros au titre de la décision de 2011 et ne justifie pas l’avoir réglée, ni avoir payé les condamnations visées par la décision déférée, rendue sous le bénéfice de l’exécution provisoire. La cour d’appel en déduit que ce comportement caractérise une résistance abusive, destinée à nuire volontairement aux intérêts du créancier commerçant, dont la trésorerie est ainsi atteinte justifiant l’allocation au bénéfice du preneur d’une somme à titre de dommages et intérêts.

– Cour d’appel d’Aix-en-Provence, 10 mai 2016 (n° 15/04604), SCI Saint Nicolas c/ Sylvie D. – https://www.dalloz-actualite.fr/sites/dalloz-actualite.fr/files/resources/2016/05/caaixrepentir.pdf
– Code de commerce, article L. 145-58 – https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?idArticle=LEGIARTI000006222179&cidTexte=LEGITEXT000005634379
– Code de procédure civile, article 700 – https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?cidTexte=LEGITEXT000006070716&idArticle=LEGIARTI000006411119