CJUE : avance d’actionnaire proposée à France Télécom en crise par les autorités françaises

Caractérisation de la confusion des patrimoines entre plusieurs sociétés
7 décembre 2016
Postulation territoriale et modalités de représentation devant les cours d’appel statuant …
8 décembre 2016

CJUE : avance d’actionnaire proposée à France Télécom en crise par les autorités françaises

La CJUE rejette le pourvoi de la Commission dans l’affaire de l’avance d’actionnaire proposée à France Télécom par les autorités françaises alors que l’opérateur connaissait une crise importante.

En juin 2002, la dette nette de France Télécom, société anonyme dont l’Etat français était l’actionnaire majoritaire, atteignait 69,69 Md €, dont 48,9 Md € d’endettement obligataire arrivant à échéance de remboursement au cours des années 2003 à 2005. Au regard de la situation financière de France Télécom, l’Etat français, faisant suite à ses différentes déclarations depuis juillet 2002, a publié l’annonce d’un projet d’avance d’actionnaire qu’il envisageait au profit de l’entreprise, en décembre 2002. Celui-ci consistait en l’ouverture d’une ligne de crédit de 9 Md € d’euros sous la forme d’un contrat d’avance. L’offre de contrat n’a cependant pas été acceptée ni exécutée. En août 2004, la Commission européenne a conclu que cette avance, placée dans le contexte des déclarations faites depuis juillet 2002, constituait une aide d’Etat incompatible avec le droit de l’Union européenne (UE). Le gouvernement français, France Télécom et d’autres intéressés ont alors saisi le Tribunal de l’Union européenne (TUE) afin de faire annuler cette décision de la Commission européenne.
En juillet 2015, le TUE a annulé pour la seconde fois la décision de la Commission européenne, au motif que celle-ci n’avait pas correctement appliqué le critère de l’investisseur privé avisé, critère visant à déterminer si un investisseur privé avisé, placé dans la même situation que l’Etat français, aurait fait des déclarations de soutien en faveur de France Télécom et lui aurait octroyé une avance d’actionnaire en assumant à lui seul un risque financier très important.
Le 30 novembre 2016, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a confirmé l’arrêt du TUE du mois de juillet 2015, considérant que ce dernier n’a pas excédé les limites du contrôle qu’il lui incombait d’exercer ni dénaturé la décision de la Commission européenne. Elle a en effet estimé que le TUE a examiné l’appréciation de la Commission européenne selon laquelle il convenait d’appliquer le critère de l’investisseur privé avisé au mois de juillet 2002 et non au mois de décembre 2002. La CJUE a rappelé qu’il a jugé que cette appréciation était fondée sur une prise en compte sélective des éléments de preuve disponibles, ces éléments n’étant pas, par ailleurs, de nature à étayer les conclusions tirées par la Commission européenne. La CJUE a donc jugé que le TUE a donc correctement jugé que l’appréciation de la Commission européenne était entachée d’une erreur manifeste.
Quant à l’argument de la Commission selon lequel le critère de l’investisseur privé aurait dû être appliqué au mois de juillet 2002 et non au mois de décembre 2002, la CJUE a relevé que, d’après les constatations du TUE, l’offre d’avance d’actionnaire n’a été faite qu’au mois de décembre 2002, le gouvernement français n’a pris aucun engagement ferme au mois de juillet 2002 et la décision de soutenir financièrement France Télécom au moyen de l’offre d’avance d’actionnaire a été prise non pas au courant du mois de juillet 2002 mais au début du mois de décembre 2002. Dans ces conditions, la CJUE a conclu qu’anticiper au mois de juillet 2002 le moment où le critère de l’investisseur privé avisé devait être apprécié aurait nécessairement conduit à exclure de cette appréciation des éléments pertinents intervenus entre le mois de juillet 2002 et le mois de décembre 2002, comme l’a constaté à juste titre le TUE.

– Communiqué de presse n° 130/16 de la CJUE du 30 novembre 2016 – “La Cour rejette le pourvoi de la Commission dans l’affaire de l’avance d’actionnaire proposée à France Télécom par les autorités françaises alors que l’opérateur connaissait une crise importante” – https://curia.europa.eu/jcms/upload/docs/application/pdf/2016-11/cp160130fr.pdf
– CJUE, 6ème chambre, 30 novembre 2016 (affaire C-486/15 – ECLI:EU:C:2016:912), Commission c/ France et Orange – https://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf;jsessionid=9ea7d2dc30d5b3aa40d3342a40ddbbd4cad4e4a73ad1.e34KaxiLc3qMb40Rch0SaxyKb3v0?text=&docid=185701&pageIndex=0&doclang=fr&mode=req&dir=&occ=first&part=1&cid=459473