Cadrage juridique du Conseil d’Etat pour la révision de la loi Bioéthique

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Cadrage juridique du Conseil d’Etat pour la révision de la loi Bioéthique

Le 28 juin 2018, l’Assemblée générale plénière du Conseil d’Etat a produit une étude concernant la révision de la loi bioéthique qui doit prendre en compte l’évolution et les enjeux de nombreux domaines. Saisi en décembre 2017 par le Premier ministre, le Conseil d’Etat a produit un cadrage juridique préalable à la révision de la loi de bioéthique portant sur les sujets suivants : la procréation, les conditions du don d’organes, de tissus et de cellules (dont les gamètes), du don du sang, la génomique, les neurosciences, l’intelligence artificielle et les big data, la fin de vie, la situation des enfants dits "intersexes". Cette étude, adoptée le 28 juin 2018, a été présentée au Premier ministre le 6 juillet 2018. Le Conseil d’Etat rappelle tout d’abord les principes qui structurent le modèle bioéthique français et qui doivent orienter la révision de la loi bioéthique : - La place prééminente du principe de dignité qui se traduit par une protection particulière du corps humain ; - La prise en compte du principe de liberté individuelle ;- L’importance accordée au principe de solidarité. Concernant la procréation, l’assistance médicale à la procréation (AMP) est un sujet sensible. L’intérêt supérieur de l’enfant, ainsi que d’autres motifs d’intérêt général, doivent ainsi être pris en compte. L’étude propose par exemple de mettre en place une filiation spécifique permettant tant à la mère biologique qu’à la mère d’intention d’établir son lien de filiation à l’égard de l’enfant dès la naissance de celui-ci, de manière simple et sécurisée. La Haute juridiction administrative précise également qu’il serait envisageable de permettre aux enfants issus d’un don de gamètes d’accéder, à leur majorité, à l’identité du donneur si celui-ci y consent. Pour l’autoconservation ovocytaire, le Conseil d’Etat est hésitant. En effet, cette mesure impose de lourds traitements aux femmes et peuvent réduire leur liberté de procréer pendant leur période de fertilité́, notamment sous la pression des employeurs. D’un autre côté, elle permet une émancipation de celles-ci en évitant les contraintes physiologiques. Concernant la gestation pour autrui, le Conseil d’Etat souligne sa contrariété avec les principes d’indisponibilité du corps et de l’état des personnes qui le conduit à en exclure le principe. Pour lui, la mise à disposition du corps d’une femme pendant 9 mois avec les contraintes inhérentes à la grossesse et l’obligation de renoncer à son enfant sont des obstacles trop importants à son autorisation. Pour les mesures concernant la fin de vie, le Conseil d’Etat rappelle que le droit en vigueur est très récent et a déjà fait l’objet de profonds débats. Il permet donc de répondre à l’essentiel des demandes d’aide médicale à mourir. Sur la génétique et la génomique, le Conseil d’Etat souligne que l’important développement de ces techniques amène de nombreuses réflexions. Le développement des tests génétiques interroge la pertinence de l’interdiction actuelle d’y avoir recours pour soi-même ou pour un tiers. Si une dépénalisation était envisagée, il serait néanmoins nécessaire de mettre en place au moins deux garanties : maintenir l’interdiction de procéder à un test pour un tiers et interdire explicitement aux assureurs et aux employeurs de tirer parti de ces données.En outre, l’édition génique se développe de plus en plus. Cette technique permet d’inactiver certains gènes responsables de maladies voire d’amplifier l’expression d’autres susceptibles de présenter un intérêt particulier. Si cette technique devait être développée en matière clinique, elle se heurterait sûrement à la convention d’Oviedo et aux dispositions du code civil qui interdisent les modifications du génome transmissibles à la descendance. Enfin, le Conseil d’Etat souhaite attirer l’attention sur l’intelligence artificielle. Il indique en effet que le développement des objets connectés et des algorithmes peut modifier les places respectives du patient et du médecin. Il est donc indispensable de conserver le côté humain, tant concernant le consentement du patient pour l’utilisation de ses données personnelles que pour le rôle irremplaçable du médecin dans l’établissement d’un diagnostic et la conduite du colloque singulier, c’est-à-dire la relation de confiance entre le médecin et son patient. - Communiqué de presse du Conseil d’Etat du 11 juillet 2018 - “‘Dignité, liberté, solidarité’ : le Conseil d’État livre sa lecture du modèle bioéthique français” - http://www.conseil-etat.fr/Actualites/Communiques/Dignite-liberte-solidarite-le-Conseil-d-Etat-livre-sa-lecture-du-modele-bioethique-francais - Dossier de presse du Conseil d’Etat du 11 juillet 2018 - “‘Dignité, liberté, solidarité’ : le Conseil d’État livre sa lecture du modèle bioéthique français” - http://www.conseil-etat.fr/content/download/138942/1406921/version/3/file/DP-Bioethique-2018.pdf - Etude du Conseil d’Etat à la demande du Premier ministre - “Révision de la loi de bioéthique : quelles options pour demain ?” - http://www.conseil-etat.fr/content/download/138941/1406918/version/1/file/Conseil%20d%27Etat_SRE_%C3%A9tude%20PM%20BIOETHIQUE.pdf - Convention pour la protection des Droits de l'Homme et de la dignité de l'être humain à l'égard des applications de la biologie et de la médecine: Convention sur les Droits de l'Homme et la biomédecine, Oviedo, 4.IV.1997 - https://rm.coe.int/CoERMPublicCommonSearchServices/DisplayDCTMContent?documentId=090000168007cf99 - Code civil, article 16-4 - https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?cidTexte=LEGITEXT000006070721&idArticle=LEGIARTI000006419299