Exclure la reconnaissance d’un titre de masseur-balnéothérapeute permettant d’exercer une profession autonome dans l’État qui l’a délivré comporte une entrave à la liberté d’établissement

Une infirmière libérale peut bénéficier d’un plan de redressement aux fins d’apurement du passif, nonobstant la non poursuite de l’activité
21 mars 2018
INFIRMIERES: le recours à des contrats à durée déterminée successifs pour couvrir des besoins permanents dans le domaine des services de santé est contraire au droit de l’Union
21 mars 2018

Exclure la reconnaissance d’un titre de masseur-balnéothérapeute permettant d’exercer une profession autonome dans l’État qui l’a délivré comporte une entrave à la liberté d’établissement

Par rapport à la profession de kinésithérapeute, la protection des consommateurs pourrait, par exemple, être réalisée par l’obligation de porter le titre professionnel d’origine dans la langue de l’État de formation, ainsi que dans la langue de l’État d’accueil

Nasiopoulos, ressortissant grec, a obtenu en Allemagne après y avoir suivi une formation de deux ans et demi, un titre l’autorisant à exercer la profession de masseur-balnéothérapeute médical (« Masseur und medizinischer Bademeister »), qui n’est pas réglementée en Grèce. La profession qui s’en rapprocherait le plus est celle de kinésithérapeute, la formation minimale étant de trois ans.

Pour cette raison, le Ministère de la Santé grec a rejeté la demande de M. Nasiopoulos d’avoir accès dans cet État à la profession de kinésithérapeute.

Le Symvoulio tis Epikrateias (Conseil d’État, Grèce) demande à la Cour de justice si les principes sur la liberté d’établissement admettent une législation nationale qui exclut l’accès partiel à la profession de kinésithérapeute, à un ressortissant d’un État membre ayant obtenu dans un autre État membre un titre – tel que celui de masseur-balnéothérapeute – l’autorisant à y exercer une partie des activités couvertes par la profession de kinésithérapeute.

Dans son arrêt du 27 juin 2013 (affaire C-575/11 Presse et Information Eleftherios Themistoklis Nasiopoulos / Ypourgos Ygeias kai Pronoias), la CJUE rappelle que la liberté d’établissement est exercée dans les conditions définies par le pays d’accueil pour ses propres ressortissants. Dans le cas de la profession de kinésithérapeute, à ce jour non harmonisée au niveau de l’Union, les États membres demeurent compétents pour définir les conditions d’accès, dans le respect des libertés fondamentales garanties par le traité.

La Cour considère que l’exclusion de tout accès partiel à une profession réglementée peut gêner ou rendre moins attrayant l’exercice de la liberté d’établissement et n’est justifié que pour des raisons impérieuses d’intérêt général visant, par exemple, à protéger les consommateurs et la santé publique, sans aller au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre ces objectifs.

En effet, les consommateurs doivent être préservés du risque d’être induits en erreur sur l’étendue des qualifications du kinésithérapeute. À cette fin, on pourrait appliquer des conditions moins contraignantes que l’exclusion d’un accès partiel à la profession : par exemple, l’obligation de porter le titre professionnel d’origine tant selon la forme originale dans la langue dans laquelle il a été délivré, que dans la langue officielle de l’État membre d’accueil1.

Par ailleurs, la protection de la santé publique impose, certes, une vigilance particulière. Néanmoins, la profession de kinésithérapeute ou de masseur, relève du domaine paramédical et ses prestations ne sont que la mise en œuvre d’une thérapie prescrite, en règle générale, par un médecin, par lequel, le masseur-balnéothérapeute est choisi et avec lequel ce dernier agit en liaison étroite, dans un rapport de dépendance et de coopération.

La Cour en conclut que l’exclusion d’un accès partiel à la profession de kinésithérapeute va au-delà de ce qui est nécessaire pour protéger les consommateurs et la santé publique.

La Cour précise que, dans le cas où les deux professions peuvent être qualifiées de comparables2, dans l’État membre de formation et dans celui d’accueil, les lacunes de la formation du professionnel, par rapport à celle exigée dans l’État membre d’accueil peuvent être comblées par des mesures de compensation3. En revanche, lorsque les différences entre les domaines d’activités sont si importantes que, en réalité, le professionnel devrait suivre une formation complète pour pouvoir exercer, dans un autre État membre, les activités pour lesquelles il est qualifié. Or, cela constitue un facteur susceptible de le décourager d’exercer ces activités dans l’État membre d’accueil.

Il appartient aux autorités nationales et, en particulier, aux juridictions compétentes de l’État membre d’accueil (en l’occurrence : la Grèce) de déterminer à quel point, dans chaque cas concret, le contenu de la formation requis par ce même État d’accueil est différent du contenu de la formation obtenue dans l’État de formation (en l’espèce : l’Allemagne).

La Cour indique, comme l’un des critères décisifs devant être examinés en premier lieu par les autorités nationales, le fait que l’activité de masseur-balnéothérapeute soit objectivement dissociable de l’ensemble de celles couvertes par la profession correspondante dans l’État d’accueil.

Ainsi, lorsque dans l’État de formation (Allemagne) la profession de masseur-balnéothérapeute peut être exercée sous une forme indépendante ou autonome, l’exclusion de la reconnaissance partielle de cette qualification dans l’État d’accueil (Grèce) entraîne un effet dissuasif sur la liberté d’établissement qui ne peut pas être justifié par la crainte d’une atteinte à la protection des droits des destinataires des services.

RAPPEL: Le renvoi préjudiciel permet aux juridictions des États membres, dans le cadre d’un litige dont elles sont saisies, d’interroger la Cour sur l’interprétation du droit de l’Union ou sur la validité d’un acte de l’Union. La Cour ne tranche pas le litige national. Il appartient à la juridiction nationale de résoudre l’affaire conformément à la décision de la Cour. Cette décision lie, de la même manière, les autres juridictions nationales qui seraient saisies d’un problème similaire.

 

 

1 La Cour rappelle sa jurisprudence antérieure, notamment l’arrêt du 19 janvier 2006, Colegio de Ingenieros de Caminos, Canales y Puertos, (C-330/03).

2 Au sens de la directive 2005/36/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 septembre 2005, relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles (JO L255, p.22), remplaçant les différents systèmes de reconnaissance abrogés avec effet à partir du 20 octobre 2007.
3 Celles définies à l’article 14, paragraphe 1, de la directive 2005/36 (stage d’adaptation de trois ans maximum ou épreuve d’aptitude).