Une décision individuelle peut obliger à procéder à des expérimentations animales

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Une décision individuelle peut obliger à procéder à des expérimentations animales

Par ordonnance du 13 juillet 2017, le Président du Tribunal de l’Union Européenne a rejeté la demande de la société BASF Grenzach de sursis à l’exécution de la réalisation d’études cliniques sur le triclosan, un conservateur pour produits cosmétiques.

La société allemande BASF Grenzach fabrique l’antibactérien triclosan qu’elle a fait enregistrer pour un usage cosmétique au titre du règlement REACH. En raison d’inquiétudes relatives aux propriétés de persistance, de bioaccumulation et de toxicité de ce produit ainsi qu’aux perturbations endocriniennes qu’il est susceptible de créer, l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) a ordonné à BASF Grenzach, par décision du 19 septembre 2014, de fournir des informations pour que le triclosan puisse être évalué dans le cadre du plan d’action continu communautaire.

À cette fin, BASF Grenzach doit notamment effectuer trois études : 1) des essais de simulation sur la dégradation ultime dans les eaux douces de surface et l’eau de mer (« test de persistance ») ; 2) une étude de neurotoxicité pour le développement et la reproduction sur les rats (« test sur les rats »), compte tenu des préoccupations que le triclosan suscite quant à ses effets potentiels sur le système endocrinien, et 3) un essai sur le développement sexuel des poissons, à mener sur le poisson-zèbre ou le medaka japonais (« test sur les poissons »). La date limite pour fournir les informations demandées a été initialement fixée au 26 septembre 2016.

La chambre de recours de l’ECHA, devant laquelle BASF Grenzach a formé un recours administratif, a confirmé, par décision du 19 décembre 2016, l’obligation de BASF Grenzach d’effectuer ces trois études. Elle a toutefois prorogé jusqu’au 26 décembre 2018 le délai de remise des informations.

La société BASF Grenzach a introduit un recours devant le Tribunal de l’UE pour demander, en substance, l’annulation de la décision par laquelle la chambre de recours de l’ECHA a rejeté son recours administratif.

Par ailleurs, BASF Grenzach a introduit devant le Tribunal une demande en référé pour obtenir notamment le sursis à l’exécution de la décision de la chambre de recours de l’ECHA en ce qui concerne le test sur les rats, le test sur les poissons et le test de persistance. BASF Grenzach invoque à cet égard le risque de survenance d’un préjudice grave et irréparable pour elle. En effet, elle se trouverait dans la situation intenable où elle devrait choisir entre le respect de la décision attaquée et le risque d’engager sa responsabilité (y compris sur le plan pénal) pour violation du règlement sur les cosmétiques – règlement qui interdit, en règle générale, l’expérimentation animale pour les ingrédients cosmétiques. De plus, BASF Grenzach risquerait de perdre l’ensemble du marché européen du triclosan du fait que les clients utilisant le triclosan dans les produits cosmétiques seraient, en raison de la décision attaquée, amenés à remplacer cet antibactérien par d’autres ingrédients.

Dans son ordonnance du 13 juillet 2017, le Président du Tribunal a rejeté la demande en référé de BASF Grenzach, au motif que celle-ci n’a pas établi l’urgence des mesures provisoires demandées.

En ce qui concerne le risque allégué d’encourir des poursuites en raison d’une violation éventuelle du règlement sur les cosmétiques, le Président constate que le fait pour BASF Grenzach de se conformer à la décision de la chambre de recours de l’ECHA – décision qui lui est individuellement adressée et qui l’oblige à procéder à des expérimentations animales – ne peut pas engager sa responsabilité au titre d’un autre acte de l’Union de portée générale (à savoir le règlement sur les cosmétiques). Ce risque paraît donc être de nature purement hypothétique et ne peut, dès lors, établir le risque imminent de survenance d’un préjudice grave et irréparable.

Quant au risque allégué de perdre l’ensemble du marché européen du triclosan, le Président constate tout d’abord que le préjudice invoqué est d’ordre financier.

Il rappelle ensuite qu’un préjudice d’ordre pécuniaire ne saurait, sauf circonstances exceptionnelles, être considéré comme irréparable, une compensation pécuniaire étant, en règle générale, à même de rétablir la personne lésée dans la situation antérieure. Lorsque le préjudice invoqué est d’ordre financier, les mesures provisoires sollicitées ne peuvent se justifier que si, en l’absence de ces mesures, la partie requérante se trouverait dans une situation susceptible de mettre en péril sa viabilité financière avant l’intervention de l’arrêt définitif sur le fond ou si ses parts de marché seraient modifiées de manière importante au regard, notamment, de la taille et du chiffre d’affaires de son entreprise ainsi que, le cas échéant, des caractéristiques du groupe auquel elle appartient.

Toutefois, BASF Grenzach n’a pas fourni la moindre information sur sa taille, sur son chiffre d’affaires ni sur son appartenance éventuelle au groupe BASF et, le cas échéant, sur les caractéristiques de ce dernier. En outre, elle n’a pas non plus fourni la moindre information sur l’importance du triclosan dans sa gamme de produits. De plus, elle n’indique pas non plus l’importance des ventes du triclosan dans l’Union ou à l’échelle globale. Enfin, elle n’indique pas le chiffre d’affaires qu’elle réalise avec le triclosan dans l’Union ou ailleurs. En l’absence d’informations à ce sujet, le Président du Tribunal conclut que BASF Grenzach n’a pas établi l’importance que représenterait pour son entreprise et, le cas échéant, pour le groupe auquel elle appartient la perte de l’ensemble du marché européen du triclosan.

RAPPEL: Une ordonnance sur des mesures provisoires ne préjuge pas de l’issue de l’action principale sur le fond. Un pourvoi, limité aux questions de droit, peut être porté devant le Président de la Cour contre la décision du Président du Tribunal dans un délai de deux mois à compter de sa notification.