Les propos critiques tenus par une responsable syndicale à l’encontre d’une directrice d’Ehpad, qui s’inscrivent dans le cadre d’un débat d’intérêt général et reposent sur une base factuelle suffisante,  sont-ils constitutifs du délit de diffamation publique à l’encontre d’une fonctionnaire ?Un site de presse régionale en ligne a relayé un communiqué rédigé par une représentante syndicale déclarant que les salariés d’un Ehpad « sont maltraités, harcelés, dénigrés par une direction déloyale. La directrice interpelle les salariés par mail dès 5h30 le matin et même le week-end et exige que ceux-ci répondent ». La directrice de l’établissement a fait citer l’auteur des propos devant le tribunal correctionnel du chef de diffamation publique envers un fonctionnaire. Le tribunal a déclaré la représentante syndicale coupable de ce chef et l’a condamnée à 2.500 € d’amende avec sursis et a prononcé sur les intérêts civils.
Pour retenir l’excuse de bonne foi, dire que la représentante syndicale n’avait pas commis de faute civile et rejeter les demandes de la partie civile, la cour d’appel d’Orléans a énoncé que les propos s’inscrivaient dans un débat d’intérêt général sur la prise en charge des personnes âgées et dépendantes dans les Ehpad, les conditions de travail et le management de ces établissements. Les juges du fond ont ajouté que les propos critiqués avaient été proférés après que trois salariées de l’Ehpad avaient saisi la représentante syndicale pour se plaindre de leurs conditions de travail au sein de cet établissement, en imputant à la directrice une lourde part de responsabilité dans leurs difficultés et les griefs exprimés. Ils ont précisé que la prévenue avait établi qu’après s’être entretenue avec ces salariées, elle s’était vu remettre des pièces justificatives de la situation de chacune d’elles, notamment les plaintes pénales déposées par deux d’entre elles, des courriels, des attestations de psychologues, éléments évocateurs de mal-être et d’anxiété. Elle avait également fait valoir que le mode d’action retenu, la publication d’une lettre d’alerte auprès d’un média régional, avait été choisi après le constat de l’inaction de l’agence régionale de santé (ARS) et du caractère infructueux de la communication faite auprès d’élus et des plaintes pénales. Pour les juges, en agissant dans le cadre strict de son mandat de représentante syndicale départementale en matière sociale pour dénoncer publiquement les agissements susceptibles d’être reprochés à la directrice, la défenderesse avait poursuivi un but légitime en voulant défendre les intérêts des salariées qui se trouvaient sous la responsabilité de la première avec une base factuelle suffisante et dans des conditions exclusives de toute animosité personnelle. Les juges en ont conclu qu’en tenant des propos, certes exagérément critiques et durs vis-à-vis de la partie civile, la prévenue, qui avait agi pour la défense des intérêts professionnels, n’avait pas dépassé les limites admissibles en matière de liberté d’expression. Dans un arrêt rendu le 7 janvier 2025 (pourvoi n° 23-87.123), la Cour de cassation valide ce raisonnement. La chambre criminelle affirme : – être en mesure de s’assurer que les propos incriminés, qui s’inscrivaient dans un débat d’intérêt général sur les conditions de travail dans les Ehpad, reposaient sur une base factuelle suffisante ; – que les propos litigieux, dénués d’animosité personnelle et qualifiés à tort par l’arrêt attaqué « d’exagérément critiques et durs vis-à-vis de la partie civile », n’avaient ont pas excédé les limites admissibles de la polémique syndicale.

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