La Croatie a manqué à son devoir concernant les allégations d’enlèvement de bébés dans des hôpitaux publics et illégalement proposés à l’adoption. Elle doit mettre en place un mécanisme visant à déterminer le sort de ces bébés enlevés dans les années 1980 et 1990.L’affaire porte sur les soupçons de trois mères selon lesquels leurs nouveau-nés, nés entre 1986 et 1994, ne seraient pas tombés malades et décédés, contrairement aux allégations des hôpitaux publics concernés, mais auraient été enlevés et illégalement proposés à l’adoption.
Dans son arrêt Petrović et autres c/ Croatie (requêtes n° 32514/22, 33284/22 et 15910/23), la Cour européenne des droits de l’Homme dit, à l’unanimité, qu’il y a eu violation de l’article 8 (droit au respect de la vie privée et familiale) de la Convention européenne des droits de l’Homme.
La Cour constate que la réaction des autorités croates à la recherche d’informations entreprise par les trois mères a consisté principalement à leur fournir des documents médicaux et des documents de l’état civil, lorsque de tels documents étaient disponibles. Quand les requérantes ont relevé des irrégularités et des incohérences dans les documents en question et ont demandé que les corps soient exhumés, que des tests ADN soient réalisés et que le personnel médical et le personnel de l’état civil soient interrogés, les autorités n’ont rien fait, à l’exception de la police de Vukovar, qui a au moins cherché à savoir si l’exhumation de la fille de Mme Petrović était possible, si le cimetière local savait où le bébé avait été enterré et si l’hôpital de Vukovar conservait une base de données relative aux tissus prélevés à des fins d’autopsie, même si aucune de ces questions n’a reçu de réponse positive. La raison principale de l’inaction générale est que les autorités ont considéré que le délai de prescription applicable à toute infraction qui aurait été commise dans les affaires des requérantes avait commencé à courir à la date à laquelle leurs bébés étaient prétendument décédés ou auraient disparu, et qu’il avait expiré depuis longtemps.
La Cour observe que les mères ne disposaient d’aucun autre moyen de déterminer le sort de leurs bébés, alors même que d’autres femmes soupçonnaient elles aussi que leurs bébés avaient été enlevés dans des hôpitaux publics en Croatie dans les années 1980 et au début des années 1990, et même si les autorités avaient connaissance du phénomène des « bébés disparus ».
Partant, elle conclut que la Croatie a manqué au devoir (« obligation positive continue ») qui lui incombait au titre de l’article 8 de la Convention concernant les allégations des requérantes selon lesquelles leurs bébés avaient été enlevés dans les maternités et illégalement proposés à l’adoption.
Sous l’angle de l’article 46 (force obligatoire et exécution des arrêts), la Cour juge que des mesures générales au niveau national sont requises. Elle invite la Croatie à mettre en place un mécanisme destiné à fournir un redressement individuel à tous les parents se trouvant dans une situation similaire. Ce mécanisme doit être supervisé par un organe indépendant doté des pouvoirs adéquats pour être en mesure d’apporter des réponses crédibles concernant le sort de chaque enfant et d’offrir une réparation appropriée le cas échéant.