Article publié dans 7Officiel – Mardi 29 Juillet 2014 – N°1703

La loi PINEL du 18 juin 2014 : principales modifications relatives aux baux commerciaux.

La loi du 18 juin 2014 relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises, dite loi PINEL, apporte des modifications substantielles en ce qui concerne les baux commerciaux, et traduit une volonté forte de procéder à un rééquilibrage au profit des locataires.

L’objectif affiché est bien entendu de relancer la croissance, la compétitivité et l’emploi.

Avant d’en aborder les principales mesures, diverses modifications secondaires méritent d’être soulignées, étant précisé que le législateur a prévu une entrée en vigueur progressive, les dispositions les plus importantes ne trouvant à s’appliquer que pour les baux conclus ou renouvelés à compter du 1er septembre 2014.

Les étrangers ne font désormais plus l’objet d’un traitement distinct, que ce soit en tant que locataires étrangers dans le cadre du droit au renouvellement du bail (L145-13 C. Com.) ou en tant que bailleurs étrangers pour refuser un tel droit au renouvellement du bail (L 145-23 C. Com.).

De même la convention d’occupation précaire fait désormais l’objet d’une disposition légale (L 145-5-1 C. Com.) ; le bail de courte durée pourra être d’une durée de trois ans (au lieu de deux avant) et il n’est plus possible de conclure un nouveau bail afin d’ « exploiter le même fonds dans les mêmes locaux ».

Il est désormais interdit de stipuler un engagement pour une durée ferme, avec renonciation implicite au droit de congé à chaque terme d’une période triennale (L 145-4 C. Com.). Cette interdiction d’une résiliation anticipée était souvent convenue lorsque le bailleur participait financièrement, de manière directe ou non, aux travaux d’aménagement du locataire.

Il est à noter que la loi PINEL n’a pas remis en cause le principe posé par l’arrêt du 18 juin 2013 (civ, 3ème, 18 juin 2013, n° 12-19.568), relatif au renouvellement des baux d’une durée supérieure à 9 ans. Par cet arrêt, avait été déclarée contraire à l’article L 145-12 du Code de commerce la stipulation selon laquelle un bail commercial de 12 ans avec un renouvellement pour une durée de 12 ans, si bien que le renouvellement intervenait pour une durée de 9 ans.

Dans le même esprit, et enfin, le congé pourra désormais être sollicité par lettre recommandée avec accusé de réception, alors qu’il n’était possible que de le formaliser que par acte extrajudiciaire jusqu’à présent (article L 145-9 C. Com.) ; il est à noter que, vraisemblablement par suite d’un oubli du législateur, la demande de renouvellement du bail par le locataire, et la réponse du bailleur, doivent être effectuées par acte extrajudiciaire.

Dans l’optique de procéder à un rééquilibrage des intérêts économiques, au profit des locataires, loyer (I), charges et travaux (II) font l’objet d’un encadrement plus précis. La loi  PINEL du 18 juin 2014 renforce enfin les dispositions d’ordre public (III).

I – L’encadrement des loyers

L’ICC ne constitue plus l’indice de référence. Désormais seuls les indices des loyers commerciaux (ILC) et des activités tertiaires (ILAT) subsistent, conformément aux dispositions des articles L 145-34 et L 145-38 du Code de commerce.

Le montant des loyers des baux renouvelés ou révisés doit, en principe, correspondre à la valeur locative, est donc plafonnée à cette valeur.

Le loyer révisé déplafonné.

L’article 145-38 du code de commerce dispose désormais que « la variation de loyer qui en découle ne peut conduire à des augmentations supérieures, pour une année, à 10 % du loyer acquitté au cours de l’année précédente. » Il faudra en outre démontrer une variation de plus de 10 % de la valeur locative, tenant la modification matérielle des facteurs locaux de commercialité.

Le loyer indexé révisé. Si le bail est assorti d’une clause d’échelle mobile, la révision ne pourra être demandée que « chaque fois que, par le jeu de cette clause, le loyer se trouve augmenté ou diminué de plus d’un quart (25%) par rapport au prix précédemment fixé contractuellement ou par décision judiciaire. La variation de loyer qui découle de cette révision ne peut conduire à des augmentations supérieures, pour une année, à 10 % du loyer acquitté au cours de l’année précédente. » (Article 145-3.9 C. Com.)

Le loyer renouvelé déplafonné.

Si le loyer du bail renouvelé doit correspondre à la valeur locative, il peut être déplafonné dans trois hypothèses : une modification notable de certains éléments énumérés par l’article L 145-33 du C. Com. (caractéristiques du local considéré, destination des lieux, obligations respectives des parties, facteurs locaux de commercialité et prix couramment pratiqués dans le voisinage), un bail conclu pour une durée supérieure à neuf ans ou une bail d’une durée supérieure à douze ans suite à une tacite reconduction. Néanmoins, dans les deux premières hypothèses, la variation de loyer qui en découle ne pourra conduite à des augmentations supérieures, pour une année, à 10 % du loyer acquitté au cours de l’année précédente (Article 145-34 C. Com.). Seule l’hypothèse d’une tacite prolongation du bail pendant une durée supérieure à 12 ans échappe donc aux limites du déplafonnement. Ainsi, lorsque le loyer en cours de bail ou lors de son renouvellement est fixé à la valeur locative, la hausse du loyer entraînera des augmentations annuelles de loyer, dans la limite de 10 %, et ce jusqu’à atteindre la valeur locative. Une incertitude existe, qui méritera clarification de la part de la jurisprudence : il n’est pas précisé si cette augmentation de 10 % est calculée en référence au loyer précédant la demande de renouvellement ou de révision, ou au loyer qui précède chaque tranche de 10 %. Dans cette dernière hypothèse, la valeur locative serait bien entendu atteinte plus rapidement. Tenant les incertitudes actuelles, il sera opportun de prévoir les conditions de fixation du loyer de renouvellement (ces dispositions n’étant pas d’ordre public) ou de prévoir un loyer binaire (loyer minimum garanti et loyer variable), ce qui permettra d’échapper aux règles susvisées.

Jacques-Henri AUCHE
 
 

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