Article publié dans 7Officiel – Mardi 10 Juin 2014 – N°1696

Bloquer le compte de son débiteur dans un autre Etat membre : L’avènement de la saisie conservatoire européenne des comptes bancaires.

Le Parlement européen a adopté le 13 mai 2014, la proposition de règlement portant création d’une ordonnance européenne de saisie conservatoire des comptes bancaires, destinée à faciliter le recouvrement transfrontalier de créances.

Grâce à cette nouvelle procédure, un créancier pourra bloquer provisoirement le compte bancaire de son débiteur dans n’importe quel Etat européen pour éviter que celui-ci n’organise son insolvabilité.

Sont exclus du champ d’application du règlement : les testaments et successions, les créances patrimoniales découlant d’un régime matrimonial, les créances sur un débiteur à l’encontre duquel des procédures de faillite ont été engagées.

Cas d’ouverture : le créancier pourra solliciter une ordonnance de saisie conservatoire soit avant d’engager une action en paiement à l’encontre du débiteur, ou à tout moment au cours de cette procédure ; soit après l’obtention d’une décision de condamnation du débiteur si celle-ci est susceptible d’appel.

Conditions de délivrance d’une ordonnance : en l’absence de titre exécutoire, la juridiction devra être convaincue, sur la base des éléments de preuve fournis par le créancier, qu’il sera probablement fait droit à la demande de condamnation en paiement engagée ultérieurement par le créancier contre le débiteur. Le créancier devra en outre démontrer l’urgence à prendre une mesure conservatoire à raison d’un risque réel qu’à défaut d’une telle mesure, le recouvrement ultérieur de sa créance puisse être empêché ou rendu sensiblement plus difficile.

Les demandes d’ordonnance seront introduites au moyen d’un formulaire dont le modèle sera établi et publié sur le site de la commission européenne, et qui devra comprendre une série d’informations comme par exemple : le nom et l’adresse de la juridiction auprès de laquelle la demande est introduite ; des renseignements concernant le créancier et le débiteur (noms, coordonnées, éventuellement date de naissance et numéro de passeport) ; un numéro permettant l’identifi cation de la banque ; le montant pour lequel l’ordonnance est demandée ; une déclaration indiquant si le créancier a introduit auprès d’autres juridictions une demande d’ordonnance équivalente sur le plan national. La demande sera accompagnée de toutes les pièces justificatives utiles.

Procédure non contradictoire : afin de garantir l’effet de surprise de l’ordonnance de saisie conservatoire, le débiteur ne devra pas être informé de la demande du créancier, ni être entendu avant la délivrance de l’ordonnance.

Garantie constituée par le créancier : afi n de prévenir tout recours abusif et de protéger les droits du débiteur, il pourra être exigé du créancier qu’il constitue une garantie pour veiller à ce que le débiteur puisse obtenir à un stade ultérieur la réparation de tout préjudice que lui aurait causée l’ordonnance.

Responsabilité du créancier : le créancier sera responsable des préjudices causés au débiteur par l’ordonnance de saisie conservatoire, notamment lorsque l’ordonnance sera révoquée à raison des manquements du créancier : défaut d’action aux fins de condamnation dans le mois de la requête ou dans les 15 jours de l’ordonnance, absence de demande de libération des montants excédant la créance, absence de fondement de la créance, défaut de signifi cation ou de notifi cation de l’ordonnance.

Demandes d’informations : la difficulté majeure de la saisie conservatoire réside dans la localisation des comptes bancaires du débiteur. En France par exemple, l’ordonnance autorisant une saisie conservatoire ne donne pas le pouvoir à l’huissier de justice d’effectuer une recherche FICOBA aux fins d’obtenir de la Banque de France les informations bancaires du débiteur. Seul un titre exécutoire permet cette recherche.

Afin de surmonter les difficultés pratiques relatives à la localisation du compte bancaire du débiteur, la procédure de saisie européenne prévoit que le créancier qui n’est pas en possession des informations bancaires de son débiteur pourra en même temps que la requête, demander à ce que soit ordonnée une recherche d’informations bancaires par l’autorité chargée de l’obtention d’informations désignée de l’État membre dans lequel le créancier pense que le débiteur détient un compte (en France les huissiers de justice).

Toutefois, la Juridiction ne fera droit à cette demande d’informations bancaires que dans le cas d’une créance importante dont le recouvrement est menacé, et s’il est démontré que cette situation conduira à une « détérioration importante de la situation financière du créancier »

En outre, les informations obtenues concernant l’identification du ou des comptes bancaires du débiteur ne seront pas transmises au créancier, mais seulement à la juridiction qui les a demandées.

La Juridiction devra rendre son ordonnance dans un délai de 10 jours suivant l’introduction de la demande dans l’hypothèse où le créancier n’a pas encore obtenu une décision, une transaction judiciaire ou un acte authentique exécutoire, et dans un délai de 5 jours lorsque le créancier a déjà obtenu une telle décision, une transaction ou un acte authentique ayant force exécutoire.

Dans le cas où la Juridiction sollicite une garantie du créancier, la juridiction devra rendre sa décision dès que le créancier aura constitué la garantie requise.

Une ordonnance de saisie conservatoire délivrée dans un État membre sera reconnue et exécutoire dans les autres États membres sans autre procédure. Toutefois, le créancier ne pourra suivre les avoirs bancaires de son débiteur, et éviter ainsi l’évasion bancaire européenne qu’à condition que la Juridiction accède à sa demande d’information sur la domiciliation bancaire du débiteur.

Voies de recours : le créancier pourra interjeter appel de la décision de refus de délivrance de l’ordonnance de saisie conservatoire.

Engagement d’une procédure au fond : le créancier devra engager une procédure aux fins de condamnation du débiteur en paiement dans les 30 jours à compter de la date d’introduction de la demande, ou dans les 14 jours de la date de délivrance de l’ordonnance. À la demande du débiteur, la juridiction pourra prolonger ce délai pour permettre aux parties de trouver un accord. Si la juridiction n’a pas reçu, dans ce délai, la preuve que la procédure a été engagée, l’ordonnance de saisie conservatoire sera révoquée.

Tenant le délai très court imparti pour engager une procédure au fond, celle-ci sera réputée avoir été engagée dès lors que l’assignation aura été reçue par l’autorité chargée de la signification ou de la notification (huissier en France), ou s’il s’agit d’une requête, dès lors que celle-ci aura été déposée au greffe. L’ordonnance et la déclaration de la banque relative à la saisie ainsi que tous les documents produits par le créancier devront être dénoncés au débiteur dans un délai de 3 jours ouvrables à compter de la réception de la déclaration de la banque indiquant que des montants ont fait l’objet d’une saisie.

Le débiteur pourra contester et demander la révocation de l’ordonnance autorisant la saisie, ou contester l’exécution de la saisie conservatoire. Enfin, la saisie conservatoire ne devra pas porter sur les « sommes insaisissables » correspondant aux montants nécessaires pour assurer la subsistance du débiteur et de sa famille au titre du droit de l’État membre d’exécution.

Le texte adopté par le Parlement européen le 15 mai 2014 est en attente de publication au Journal officiel et entrera en vigueur vingt jours après cette publication.

Maud GENESTE
 
 

Lire l’article en pdf:  Droit fiscal: Créances transfrontalières

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